La première découverte d’or en région

La première découverte d’or en région

« Du levant et du couchant, du midi et du septentrion partent des troupes d’autres assoiffés, les assoiffés de l’or. Qu’importent les distances, les peines, les fatigues, la faim, la soif, la vraie soif, celle qui met la gorge en feu, torture et parfois rend fou, la chaleur accablante, le froid qui pince et qui mord? La soif plus ardente des richesses fait oublier tout cela. L’or. Ce mot scintille à leur horizon, comme une étoile polaire. Contre la brousse, contre la forêt vierge, souvent plus traitresse de l’onde, l’homme, ce nain dont la cupidité peut faire un géant, entreprend la lutte. Il affronte et vainc les difficultés, franchit les obstacles que la nature lui oppose sans cesse. »

Émile Benoist, L’Abitibi, pays de l’or, 1938.

Coqueluche de l’historiographie et des panneaux d’interprétation de la région, le prospecteur Edmund Henry Horne, découvreur du gisement à l’origine de la mine Noranda, n’est toutefois pas le premier à dénicher des métaux précieux dans le Nord-Ouest québécois. Cet honneur appartient à Alphonse Renaud et Auguste Olier, deux prospecteurs français qui, en 1906, découvrent de l’or sur les rives du lac Fortune (situé dans l’actuel quartier Arntfield).

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En 1911, lorsqu’il revient d’un voyage de prospection sur la rivière Harricana, Edmund Horne repère un indice de minéralisation intéressant sur le bord du lac Osisko, dans le canton de Rouyn. Il y retourne en 1914 et en 1917. Il y reviendra en 1920 pour finalement faire des découvertes importantes qui seront à l’origine de l’exploitation ultérieure de la mine Noranda.

Crédit : BAnQ Rouyn-Noranda, Fonds Xstrata Cuivre Canada, Fonderie Horne, série Vavasour & Dick. 08-Y,P123,S4,P1247.

Les richesses ontariennes

Avant cette découverte d’or, un gisement est déjà en exploitation au Témiscamingue; la mine Wright qui extrait de l’argent et du plomb à St-Bruno-de-Guigues. Toutefois c’est surtout de l’autre côté de la frontière ontarienne, à Sudbury, Cobalt, Timmins et Kirkland Lake, qu’un véritable boom minier prend forme. Dès la fin du XIXe siècle, c’est plus d’une centaine de mines, surtout d’argent et d’or, qui sont exploitées dans cette région.

Photo 1D’abord découvert par les Amérindiens, le gisement d’argent et de plomb de la mine Wright, situé sur les rives du lac Témiscamingue entre Guigues et Ville-Marie, a été exploité à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

Crédit : Musée McCord, MP-0000.800.5.

Rapidement, à la lumière de ces lucratives découvertes, des prospecteurs postulent qu’il n’y a aucune raison valable pour que les gisements de minerais précieux ne traversent pas la frontière provinciale. En conséquence, plusieurs d’entre eux embarquent dans leur canot afin de venir tenter leur chance.

Une vie rythmée par l’or.

Beaucoup de prospecteurs, comme Edmund Horne, travaillent dans les mines durant l’hiver afin de financer leur saison de prospection et de lutte contre les mouches. Dès le printemps venu, ils quittent, seuls ou accompagnés d’un partenaire (souvent amérindiens), dans l’espoir de trouver la fortune. En plus de leur canot, ils n’ont que quelques provisions et des instruments de prospection rudimentaires.

Plus souvent qu’autrement, les prospecteurs partent du Nord-Est ontarien pour se rendre en Abitibi. Ils sont originaires d’un peu partout dans le monde. Par exemple, Edmund Horne est natif de la Nouvelle-Écosse, mais il effectue, avant sa venue dans le Nord-Ouest québécois, des recherches dans de nombreux endroits : au Colorado, en Colombie-Britannique, en Californie et dans le Nord-Est ontarien.

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Les prospecteurs jouent un rôle significatif dans l’histoire du développement minier abitibien. De leurs randonnées et leurs analyses du sol naissent des infrastructures gigantesques, des villes champignons et des pôles d’attractions d’aventuriers, de travailleurs et de familles entières. Leur contribution à l’histoire de la région prend ainsi une importance quasi-mythique.

Crédit : BAnQ Rouyn-Noranda, Fonds Comité du 50e anniversaire de Rouyn-Noranda, série photographies. 08Y,P34,S3,P2995.

L’or du Nord-Ouest québécois

Ainsi, les premiers à découvrir de l’or en région sont deux Français (de France!) originaires de la ville de Rouen (pour venir découvrir de l’or à proximité du canton de Rouyn, faut le faire!). Auguste Olier et Alphonse Renaud résident à l’époque à Ville-Marie. Ces deux explorateurs miniers passent plusieurs années à scruter la géologie de la région de Kirkland Lake sans faire de découverte majeure pour assurer la prospérité de leurs vieux jours.

À l’été 1906, ces deux prospecteurs français se rendent en Abitibi, dans les cantons de Beauchastel et de Dasserat avec leur canot et quelques provisions afin de confirmer leur théorie sur le potentiel géologique de l’Abitibi. C’est le 19 juin, par une chaude journée où « les mouches, qui s’étaient mises de la partie, s’en donnaient à dard que veux-tu », que leurs efforts sont enfin récompensés. L’écrivain Damas Potvin, dans son roman historique Sous le signe du quartz, décrit ce moment :

« La soif les tiraillant, les deux hommes se dirigèrent vers le lac dont Auguste Renault avait aperçu, à travers les arbres, le vif éclat d’acier; et, tout en marchant, de donner d’ici, de là, un coup de pic. Au bord du lac, pendant qu’Alphonse Olier s’abreuvait, Auguste Renault lança un dernier coup de pic sur un bout de rocher… Ô surprise ! De la rouille, l’heureuse rouille qui est pour le prospecteur l’indice certain de la ‘couleur’. […] Avant même de boire, Auguste Renault emplit sa tasse de fer blanc des fragments de cette roche et les lava selon les procédés de l’alluvionnage. C’est de l’or ! »

– Damas Potvin, Sous le signe du quartz, 1940

Le plan d’eau sur lequel cette découverte fut faite prit le nom de lac Fortune. Un autre situé à proximité fut nommé lac Renaud en l’honneur du découvreur.

Tentatives d’exploitation

Dès l’année suivante, Olier et Renaud fondent la Pontiac and Abitibi Mining Company afin de découvrir le véritable potentiel aurifère des rives du lac Fortune. Ils font quelques travaux de surface, mais aucune découverte majeure qui pourrait mener à la construction d’une mine. Finalement, en 1910-1911, le gisement est acheté par l’entreprise Union Abitibi Mining Company et un premier puits de 43 mètres de profondeur est creusé.

Dans les années 1920 et 1930, deux autres entreprises, la Towagmac Exploration Company Limited et la Lake Fortune Gold Mines Limited tentent leur chance et deux autres puits sont poncés à cet endroit. Plus récemment, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’entreprise Mines Richmont effectue d’autres recherches, mais en vain. Malgré que plusieurs traces d’or natif soient découvertes, la rentabilité du gisement n’a pu être prouvée.

 Photo 5Parfois seuls, bien des prospecteurs travaillent cependant en équipe, partageant voyage, vivres, compagnie et luttes incessantes contre les mouches.

Crédit : BAnQ Rouyn-Noranda, Fonds Joseph Hermann Bolduc, série mines. 08Y,P124,S32,P385-1-6.

Bref, bien qu’aucune mine ne fût mise en production sur les rives du lac Fortune, cette découverte prouva que l’Abitibi détenait un véritable potentiel géologique. Il est clair que la trouvaille de Renaud et Olier a motivé d’autres prospecteurs, comme Edmund Horne, les années suivantes à venir tâter le terrain. Même si elle n’a pas permis la construction d’une mine, la découverte de ces deux prospecteurs français aura néanmoins contribué à propulser le développement de l’Abitibi minier.

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Afin de découvrir des gisements de métaux précieux, les prospecteurs régulièrement se rendre hors des zones de peuplement. Comme ils sont contraints à vivre dans la nature pendant de longues semaines, ils établissent un campement « à partir duquel ils vont explorer les terrains alentour. »

Crédit : BAnQ Rouyn-Noranda, Fonds Joseph Hermann Bolduc, série mines. 08Y,P124,S32,D385-1-3.