Les débuts tumultueux des villes-sœurs

Les débuts tumultueux des villes-sœurs

Par Alexandre Faucher, historien.

 

À Rouyn et à Noranda, à une autre époque ça brassait! Les anecdotes sanglantes, cocasses et extravagantes ne sont pas chose rare, à un point tel que l’hebdomadaire régional La Gazette du Nord prend parfois des airs d’Allo-Police.

Voici cinq cas assez plutôt rocambolesques s’étant passés près de chez vous à une époque heureusement lointaine. Âmes sensibles s’abstenir!

 Photo du dynamité BANQ Rouyn-NorandaP213P146

Alexandrer Corrigan, 53 ans, dynamité devant son logis

La Gazette du Nord, 1er décembre 1933

 Un «rouandais» s’est donné la mort par une explosion spectaculaire en prenant la route vers des claims lui appartenant. Au moment de quitter la maison, il avait plusieurs bâtons de dynamite dans son sac à dos et il a mis les détonateurs dans sa poche de paletot.

Il aurait mis sa pipe dans la même poche et quelques pas plus tard, une explosion retentit dans la rue. Évidemment, il n’a pas souffert. L’article rapporte qu’il a pratiquement été coupé en deux au niveau de la ceinture et des parcelles de chairs se sont retrouvées éparpillées dans la neige. Ses enfants ont rapidement ramassé les «débris»… L’homme qui s’occupait d’entreprises minières et de transport a laissé sa femme et ses sept enfants dans le deuil.

Petit conseil pour prévenir ce genre de situation ; évitez, autant que faire se peut, de mélanger tabagisme et explosifs. Si vous n’avez vraiment pas le choix, trouvez un endroit sécuritaire pour le détonateur.

Santé, sécurité.

 

Photo du meutre au lac doré BANQ Rouyn-NorandaP213P033

Venger son enfant

La Gazette du Nord, 24 juillet 1936

Une querelle éclate un mardi après-midi au Lac Doré, situé à quelques kilomètres de Rouyn. Hugues Lanctôt était dans sa demeure vers 14h quand un homme de 45 ans, Frank Adamoski, Polonais d’origine, s’est avancé vers son fils de 12 ans qui était à l’extérieur de la maison. L’homme s’est rendu coupable de grossière indécence. L’histoire n’en dit pas plus sur l’acte en tant que tel et ce n’est pas plus mal.

Le fils alertant le père de la situation, ce dernier a pris une arme à feu et alla demander au Polonais de confirmer les accusations proférées par l’enfant. Frank Adamoski acquiesçant, l’ingénieur a déchargé son révolver à bout portant sur le grossier indécent. Ce dernier, au moment où l’article est publié, est entre la vie et la mort en raison d’une balle qui lui a perforé un poumon ainsi que l’épine dorsale.

C’est le sergent d’état-major K. Turnbull, le chef de la police provinciale à Rouyn, dont nous avons parlé ici (http://www.rnculture.ca/les-militantismes/ ), qui s’est rendu sur les lieux en aéroplane. Il a commencé par transporter le blessé du Lac Doré à Rouyn et a emprisonné Lanctôt en tant que «témoin important».

Photo pour le meurtre à la bûche BANQ Rouyn-NorandaP213P246

Meurtre à la buche

La Gazette du Nord, vendredi 27 janvier 1933

Jos. Morin et Victor Sévigny se sont trouvés ensemble dans une maison relativement louche où ils allaient boire ensemble. Ils en vinrent aux mains au sujet d’une dette déjà vieille de cinq ans. La bataille étant trop intense aux yeux des autres convives, les opposants ont été séparés de force par des témoins et Morin a quitté les lieux.

Néanmoins, il revint un peu plus tard demander la monnaie de sa pièce en s’attaquant à nouveau à Sévigny. Il atteint ce dernier à la tête avec une buche de bois de chauffage. On constatera rapidement sa mort à l’hôpital.

Morin fut arrêté pour meurtre. L’histoire ne dit pas si le morceau de bois a été conservé comme pièce à conviction.

Photo du meurtre sur la 8eBANQ Rouyn-Noranda P123S1P067

Le meurtre de Steve Oleyshuk le matin de Pâques

La Gazette du Nord, 29 avril 1932

Deux Polonais d’origine, Joseph Lukawetzkl et son ami Walter Dobrosky marchaient dans les rues de Rouyn un samedi dans la nuit. Ils arrivaient de danser à la salle communautaire des Yougoslaves et se sont dirigés vers la résidence d’un compatriote pour boire de la bière. Ils en sortirent vers 3h du matin et rencontrèrent sur la 8e rue un Ukrainien d’origine dénommé Steve Oleyshuk ainsi que George, son ami russe. Lukawetzky salua Oleyshuk et l’invita à venir prendre un coup. Ce dernier déclina l’invitation.

Lukawetzki a insisté, mais la réponse négative d’Oleyshuk était ferme. C’est alors que le premier, outré, insulta son vis-à-vis et le frappa à la figure. Oleyshuk demanda à plusieurs reprises pourquoi un tel coup lui avait été porté et sans avoir reçu de réponse, il reçut un coup de couteau à la gorge.

Les comparses polonais sont partis rapidement. Le premier aurait dit au deuxième « Je crois que je l’ai égorgé. Si je viens à être pendu pour cela, tu écriras à ma mère ». Ils étaient arrêtés quelques minutes plus tard alors qu’ils se lavaient les mains dans la neige. L’histoire ne dit pas si la mère du meurtrier a reçu ladite lettre.

Photo du meurtre dans le cabanon BANQ Rouyn-Noranda P13S2D15P0813

Une chicane qui finit mal dans une famille d’origine finlandaise

La Gazette du Nord, 4 janvier 1927

Arvi Niemi travaillait à la construction d’une maison lorsque son épouse, Hilia Niemi, lui demanda plusieurs reçus et factures. Ils allèrent donc dans le cabanon pour aller chercher les papiers dans une boite à outils. « La femme qui était de mauvaise humeur, lui [lança] des reproches, et comme il mettait du temps à trouver la clef de la boîte, elle entreprit de l’ouvrir à coups de hache. Il lui enleva la hache des mains et alla la jeter dans la maison en construction. »

Les détails de l’évènement sont impossibles à retracer. Toutefois, selon les témoins de l’évènement « on a vu la femme affaissée près de la cabane, puis se sauvant et l’homme la poursuivant avec une autre hache qu’il avait dû prendre dans la cabane. ». À ce moment, le mari, Arvi Niemi, malgré son cou ensanglanté, réussi à rejoindre son épouse et lui frôla la tête avec son arme. Toutefois, comme il était affaibli par la perte de sang, il échappa sa hache dans la neige et ne réussit qu’à se trainer jusqu’à la cabane pour y mourir. De son côté, la femme fut trouvée inconsciente et amenée à l’hôpital. Selon l’accusée, son mari « était tranquille, mais taciturne et paraissait quelques fois étrange » (La Gazette du nord, 3 mars 1927, p.1).

Si on sait comment elle finit, l’histoire ne dit pas comment cette chicane de ménage a commencé.

Conclusion

Évidemment, aucune de ces histoires ne méritent véritablement de passer à la postérité. Cependant, la vie à la frontière n’est pas que la glorieuse épopée des pionniers qui ont travaillé d’arrache-pieds pour construire le Nord-Ouest que nous connaissons aujourd’hui. Elle est également marquée par l’effervescence sociale, le vice et même quelques épisodes d’une violence insoupçonnée.